La Sicile accueille en
ce moment beaucoup de migrants. Avant d’être une terre d’accueil, la Sicile a
longtemps été elle-même une terre de migrants qui partaient chercher fortune ailleurs dans
l’espoir de survivre. Ce conte nous le rappelle.
Cinq pêcheurs vivaient dans un petit village sur une île de
la Méditerranée. Ils se connaissaient depuis l’enfance, étaient amis et travaillaient ensemble
sur le même bateau. Cette année-là, le poisson était devenu rare et les cinq
hommes ne ramenaient que des filets vides.
Pour déjeuner, ils devaient se contenter d’un morceau de pain accompagné de
quelques olives, qu’ils mâchaient le plus longuement possible pour se donner
l’illusion qu’ils faisaient un long repas.
Un jour, l’un des cinq pêcheurs raconta aux autres sa soirée de la veille : "Comme vous le savez tous, ma femme est une excellente cuisinière. Elle
connaît mille recettes, toutes meilleures les unes que les autres. Hier au
soir, elle en avait utilisé une dont elle a le secret pour préparer un poulet à
la tomate. C’était si délicieux, que j’en ai repris 3 fois ! Il suffit que j’en
parle, pour en avoir encore l’eau à la bouche !"
Les quatre autres se regardèrent sans comprendre. Comment leur ami parvenait-il
à s’offrir du poulet, quand la pêche rapportait si peu ?!
Le lendemain, à l’heure du déjeuner, ce dernier déclara qu’il n’avait pas faim.
- Hier, dit-il, ma femme avait cuisiné un gros lapin en sauce accompagné de
polenta. J’en ai tellement mangé que je ne peux plus rien avaler aujourd’hui
!... Les autres pêcheurs s’interrogèrent encore.
Comment leur ami pouvait-il s’acheter du lapin, alors que les filets étaient
constamment vides ?
Giuseppe, ainsi s’appelait-il, prit alors l’habitude de raconter chaque jour
son dîner de la veille. Tous les meilleurs plats y sont passés. Au bout d’un
mois, les quatre autres n’en pouvaient plus.
Ils en parlèrent à leurs épouses. Celles-ci eurent alors l’idée d’aller voir la
femme de Giuseppe.
A leur retour, les maris furent immédiatement informés que chez Giuseppe le feu
n’avait pas été allumé depuis un mois !
Alors, quand vint l’heure du déjeuner, le lendemain sur le bateau, les quatre
hommes demandèrent à Giuseppe, pourquoi il leur racontait des histoires.
Giuseppe eut si honte, que des larmes lui sont montées aux yeux.
- Si je vous ai menti, leur dit-il, c’est parce que je n’avais rien et que je
rêvais de festins ! Je croyais presque à ce que je vous racontais et ainsi,
j’étais moins malheureux !...
- Nous ne t’en voulons pas et nous te comprenons, car nous souffrons de ce même
manque !
Pour finir, les cinq pêcheurs décidèrent que chacun à tour de rôle, ils
raconteraient ce qu’ils n’avaient pas eu la chance de manger la veille.
C’est ce qu’ils firent en attendant que leurs filets fussent de nouveau lourds
de bons poissons.
Et durant cette période difficile, ils trompèrent leur faim ... en se gavant de
mots !
Source : http://lartdubonheur.over-blog.com/article-mangeurs-de-mots-conte-sicilien-84179886.html
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire