Il était une fois une pomme qui se désolait de son sort.
Elle racontait à qui voulait l’entendre qu’elle avait été forcée de venir au
monde, qu’on l’a obligé à naître et que son sort était injuste. En effet,
disait-elle : « je suis convaincue, dur comme fer, que mon identité
se résume à la surface de ma peau. Or, je vois mon enveloppe extérieure marquée
de boursouflures et de cicatrices par la rudesse des temps. De plus, la branche
où je suis née a toujours eu moins de soleil que les autres. »
Elle n’attendait que de pourrir au sol et d’être
avalée par la terre.
Peut-être, si vous preniez le temps de l’écouter, vous
pourriez trouver une façon de lui démontrer que son cœur est intact. Vous lui
diriez que la nature universelle réside bien en son noyau : venue d’un
arbre, elle a le potentiel, elle, petite pomme, d’engendrer d’autres arbres.
Vous pourriez aussi lui dire qu’elle est incluse dans le
processus vivant et créateur et que peu importent ses certitudes, elle n’en a
jamais été séparée. Vous tenteriez de lui faire saisir que la sève qui circule
en elle est la même que celle qui circule dans toutes les autres pommes et dans
l’arbre entier.
Grâce à cette sève, continueriez-vous, elle possède donc une
nature universelle qu’elle exprime à sa façon, en tant que pomme unique et que
d’autres fruits expriment aussi de façon unique et distincte.
Vous auriez touché juste en lui révélant qu’elle souffrait
surtout du sentiment de sa propre importance.
(Guy Corneau, Le meilleur de soi, J’ai Lu, 2015)
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