vendredi 2 avril 2010

Le petit café du matin

Le petit café du matin est un rituel important. Une fois sorti de chez soi et après un voyage plus ou moins heureux en transport (quoi de neuf ce matin ? Des retards ? Des grèves ? Des accidents graves de voyageurs ? De quoi échanger quelques mots avec ses collègues), vous arrivez près du lieu de votre travail. A partir de là, le monde se divise en deux : ceux qui prennent le café à l’extérieur et ceux qui le prennent sur leur lieu de travail. Il se re-divise encore en deux entre ceux qui le prennent seul et ceux qui en font un moment d’échange.

Ce n’est pas une division sans signification. Regardez la photo : le héros (ou l’héroïne) de la photo a pris son café dans un bar. La personne concernée aurait pu le prendre plus ou moins vite fait au comptoir, mais non, elle a choisi une table et pas n’importe quelle table : une table isolée, loin du comptoir, près de la fenêtre. L’angle parfait pour être à la fois seul, voir dehors et être visible sans être vraiment vu par les piétons.

Ce fut un petit café à en juger par la tasse, ou bien le nième café du matin, mais je ne le crois pas, parce que le verre de jus d’orange n’est guère compatible avec un mélange de café (du moins à mon goût). Vous pouvez aussi imaginer que le jus d’orange était pour une deuxième personne, mais la disposition des objets sur la table ne s’y prête pas.

Revenons donc à notre personne seule près de la fenêtre. A quoi pense-t-elle ? Regarde-t-elle les piétons sortant des transports ? Rêve-t-elle à un meilleur futur (ou au passé ?) ? Attend-t-elle quelqu’un (qui arriverait dans la direction de son regard) ?

Nous pourrions écrire 50 romans (ou 400 nouvelles) à partir de ce simple fait. Partons d’une hypothèse : la personne aime rêver un peu en sortant du tumulte des transports en commun et avant celui du travail au bureau (ou dans une boutique) ; Un havre de paix, de silence, un lieu de quiétude. Je ne sais plus qui a dit que le silence se décrivait par des bruits. Alors, imaginez ceux du café le matin, les brèves commandes des clients, les bruits des tasses, … Les clients du matin sont peu bruyants (à la différence de ceux du midi). Ils sont encore endormis.

Dans ce contexte, les bruits « habituels » vous bercent et vous pouvez laisser votre esprit divaguer ou lire le journal ou écrire ou encore faire ou ne rien faire. Un moment de calme et de plénitude. Un moment où vous vous retrouvez avec vous-même. Ce n’est jamais bien long (ce sont les clients de 10 h ou de 15h qui restent des heures au café), mais cela vous prépare à votre journée. Le midi, ce sera la course au repas, dans des espaces bondés, ou l’occasion de aux courses. Le soir, vous affronterez à nouveau la marée humaine des transports en commun (le double sens des mots est ici assez comique) et vous n’aurez guère le loisir de sacrifier à ce rite (à l’inverse au Japon, les salariés vont souvent au bar le soir ensemble).

Période de « zénitude », le café du matin devrait être remboursé par la Sécurité Sociale (les mutuelles pourraient y contribuer). Il aide à limiter le stress en créant un instant de décompression. Bientôt le 1er Mai : pourquoi ne pas en faire un thème de revendication ?

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