samedi 24 avril 2010

Tout est possible, homme blanc



J’ai vécu plusieurs vies, alors je sais de quoi je parle. J’ai été un dieu, j’ai été jeté aux ordures, j’ai été enseveli, j’ai été brulé, j’ai disparu, je suis réapparu, j’ai visité le monde, je me suis posé, alors, lorsque je vous entends, hommes et femmes blancs que tout est fini, je rigole.

Je viens de loin : qui aurait imaginé un jour que je ferai le tour du monde ? J’étais une statuette sacré : qui penserait que je serai un objet d’art ? J’ai été arraché à mon lieu de création par des ennemis de mes adorateurs ? Qui aurait pensé que des hommes venus du bout du monde aurait creusé le sol pour me retrouver ?

Il y a quelques jours, j’ai entendu une discussion entre deux gardiens de mon musée, des jeunes. Que disaient-ils ? « Nous avons fait de longues études, nous n’avons pas trouvé de travail, ici on s’ennuie, quelle vie, oui mais il y a les RTT, les horaires, oui, mais ce n’est pas la vraie vie, je rêverais d’être conférencier, pourquoi tu ne le fais pas, il faut passer des examens, à mon âge, oui tu peux, non, j’ai trop de choses à faire, le soir je suis fatigué, je veux vivre, … »

Tout est possible, hommes blancs, encore faut-il le vouloir. Moi, je ne suis qu’une statue pour les uns, un dieu pour les autres, un bout de bois pour un troisième et pourtant je suis là. Je suis sans liberté et je ne dépends que de votre bon vouloir. Mais, vous hommes blancs, vous êtes libres de faire ce que voulez et quand je vous entends, j’ai l’impression que vous êtes plus enfermés, plus enchaînés que moi. Vous créez vos propres chaînes, vos propres contraintes. Vous les aimez peut-être ces entraves à votre liberté.

On racontait dans mon village d’origine l’histoire suivante : un pauvre vivait dans une petite maison avec ses femmes et ses enfants. Il alla voir le sorcier pour l’aider à trouver une solution à la promiscuité qui y régnait. Le sorcier lui demanda s’il avait des poules. L’homme acquiesça. Alors le sorcier lui dit de les faire entrer dans la maison. Puis, quelques jours plus tard, devant ses plaintes, il lui prescrivit d’y faire entrer les cochons. Lorsque l’homme fut au bord du suicide (ou du crime), le sorcier l’invita à faire sortir poules et cochons. L’homme ravi vint le remercier : « enfin, il y a de la place ».
Alors, hommes blancs, prenez ma place quelques jours, quelques semaines, quelques mois…et vous aussi à votre retour à votre place, vous louerez la liberté retrouvée. Tout est possible, hommes blancs !

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