On ne sait pas trop qui est le
véritable auteur de ces contes. Un persan (Delhavi) ? Un italien (Tramezzino)
qui aurait compilé des contes anciens ? En tout cas, ils ont été révélés
en France par Louis de Mailly (1657-1724) sous le titre : les aventures
des trois princes de Serendip (Editions Thierry Marchaise, 2011)
Lorsque le roi de Serendip (mot persan
pour Sri Lanka, île au sud-est de l'Inde), demande à ses fils de lui succéder,
ceux-ci refusent. Il les expulse de son royaume et les trois garçons partent à
pied explorer le monde. Un jour, ils rencontrent un Africain qui a perdu son
chameau. Les frères se mettent alors à décrire ce qu'ils n'ont pourtant pas vu.
Le chameau, disent-ils, est borgne ; il lui manque une dent ; il boite et est
chargé d'huile d'un côté, de miel de l'autre et d'une femme enceinte.
Stupéfait de l'exactitude de cette description, le
chamelier croit qu'ils ont volé son chameau. Le verdict du roi de la contrée
est sollicité, au cours duquel les frères avouent avoir inventé une description
qui s'est révélée exacte. Ils sont jetés en prison. Le chameau étant bientôt
retrouvé - et l'innocence des frères prouvée -, le roi leur demande alors
comment ils ont pu décrire ce qu'ils n'avaient point vu.
Leurs réponses le stupéfient : seule l'herbe
située à gauche de la trace, dit l'aîné, était broutée ; il en a conclu que le
chameau était borgne de l'oeil droit. Des morceaux d'herbes mâchées tombés de
sa bouche étaient de la taille d'une dent de chameau : ce dernier a perdu une
dent, dit le cadet. Les traces d'un pied du chameau étaient moins marquées dans
le sol : il boite, en a déduit le benjamin. D'un côté du chemin, des fourmis
ramassaient de la nourriture, et de l'autre, abeilles et guêpes s'activaient
autour d'une substance collante : le chameau était chargé d'un côté de beurre
et de l'autre de miel. Le cadet a remarqué des empreintes de sandales d'une
femme. De plus, une trace humide qu'il huma fit «
monter son désir à ébullition » ;
des marques de mains montraient que la femme s'en était servi pour se soulever
du sol : elle était donc enceinte.
Le roi, devant tant de perspicacité, les couvre de
richesses, leur offre un splendide logement à l'intérieur du sérail. Mais
l'aventure ne se termine pas là. Après un bon repas, les frères échangent leurs
impressions : le vin contenait du sang humain, la brebis avait du sang de
chienne dans les veines, et le roi est le fils d'un cuisinier. Celui-ci, qui a
tout entendu, cherche à comprendre : il apprend que le vignoble était
auparavant un cimetière, que la brebis avait été allaitée par une chienne. Et
sa mère lui avoue qu'elle a cédé aux avances d'un cuisinier dont il est le fils
! Les frères s'expliquent à nouveau : le vin rendait triste ; la brebis avait
le goût du sang. Quant au roi, il ne parlait que de mets et de pain : il était
donc issu« d'un moule à pain
plutôt que d'un trône ». Ces réponses satisfont le roi et les
frères peuvent regagner leur royaume.
Source : http://www.histoire.presse.fr/livres/livre-du-mois/vous-avez-dit-serendipite-01-05-2012-45246)
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