samedi 18 octobre 2008

La vie du compagnon de l'artiste


La vie d'artiste, c'est bien : des représentations, des spectacles, des applaudissements, la célébrité et la gloire (parfois). Cette vie peut être fort agréable. Evidemment, vous allez me dire, tous n'arrivent pas au faîte de la gloire. Les intermittents du spectacle qui travaillent deux jours par an, cela existe. Toutefois, ma moitié, elle ne connait pas cela. Vous l'avez peut-être déjà vu ou remarqué : oui, c'est elle qui est sur le cheval (et moi qui suis assis sur le socle).

Elle s'appelle Jeanne, elle vient de Lorraine, d'un petit village dont je ne me rappelle plus le nom. Nous nous sommes connus ici. Remarquez que je ne l'ai pas connu pendant ses heures de gloire où elle enchainait tournée sur tournée en France, avec des foules qui la suivaient. Depuis que nous sommes ensemble, moi, elle et son cheval, elle est sédentaire. Elle n'est pas retombée dans l'anonymat pour autant. Il y a plein de gens qui viennent la voir, lui porter des fleurs, parfois ils même ils lui tiennent des discours en célébrant sa gloire. Je ne comprends pas grand-chose à ce qu'ils disent. Elle, elle rigole en les voyant, le 1er mai, célébrer la république avec tous leurs drapeaux.

Moi, je viens de Picardie. Enfin, mon père est d'origine picarde, mais je suis né à Rouen. Je ne sais pourquoi, cela l'énerve quand j'évoque ma ville natale, la rue de la grande horloge, ses places…Bref, ne voulant pas me fâcher pour si peu, je ne lui parle ni de Rouen, ni de la Normandie d'ailleurs. Je dis que je suis Picard et cela passe mieux. Il y a aussi les anglais qu'elle ne supporte guère. Dès qu'il y a de touristes anglophones (il y en a pas mal dans le quartier), elle se redresse sur son cheval et on dirait qu'elle va partir en guerre. Je tremble toujours qu'elle descende précipitamment du socle et se blesse.

Vivre avec une artiste n'est pas toujours très simple. J'ai l'impression qu'elle est toujours en représentation. Pas moyen de se promener discrètement tous les deux la main dans la main. En plus, elle passe un temps fou à astiquer ses bottes, faire rutiler son armure, parer son cheval…Bref, à être en costume de scène. Moi, à côté, je fais "plouc". J'ai essayé de mettre une armure ou une cotte de maille, mais le poids et la chaleur là-dedans me dérangent. Et puis le cheval ! Vous voyez comme elle tient en équilibre sur le socle. Son cheval, bien dressé, reste calme, tranquille. J'ai pris discrètement des cours d'équitation. Même le maître de manège n'arrivait pas à garder son cheval aussi calme. Je suis fier d'elle.

Ma vie n'est pas simple. Quand elle a une mouche qui la dérange, c'est toute une expédition d'aller la chasser. Simplement lui parler me donne des torticolis. Le médecin voudrait que j'achète des échasses. Des échasses ! Moi qui ai le vertige quand je monte sur un escabeau. En plus, ce n'est même pas rembourser par la Sécu. Il faut quand même que je trouve une solution. Avec la circulation automobile actuelle, le bruit est tel qu'on ne s'entend plus. Surtout que nous avons plein de sujets sérieux à traiter : allons-nous nous marier ou non ? Moi, j'aimerai bien la mairie, l'église, la fête. C'est important un mariage. Mais elle, l'église, elle ne veut pas en entendre parler. Cochon (ou Cauchon ?) elle n'arrête pas de dire. Ce doit être quelqu'un qui l'a embêté. En tout cas, cela lui chauffe les oreilles.

Il faut que je vous laisse. Il y a un car de touristes anglais qui arrive. Je vais lui parler pour la calmer. Au revoir.

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