samedi 25 octobre 2008

Coupable de plagiat ?


- Accusé, levez-vous et déclinez votre identité
- Monsieur le Juge, je suis le cône de chantier XZ2622.5, née le 12 juillet 2002 à l'usine de plasturgie d'Oyonnax.
- Vous êtes accusé de plagiat de l'œuvre de l'artiste Pom'de Reinette. Votre déguisement exposé au regard de tous est copie conforme selon le plaignant de son œuvre et dégrade son image. Qu'avez-vous à répondre ?
- Monsieur le Juge, je ne connais pas cette œuvre, ni cet artiste. Je suis un travailleur manuel, un ouvrier. Je travaille tous les jours sur des chantiers. Je n'ai pas le temps, le courage ou la force d'aller au musée.
- Pourtant les experts ont noté une grande similitude avec cette œuvre.
- Je ne comprends pas monsieur le Juge
- Monsieur le Juge, je suis l'avocat de l'artiste. Je suis surpris de la mauvaise foi du plaideur. Il a fallu six mois de tension créative, 12 boites de Doliprane, deux ruptures amoureuses et 18 cônes détruits pour que Pom'de Reinette arrive à ce chef d'œuvre, convoité par tous les grands musées. Le préjudice estimé par mon client s'élève à 1.463.242 euros et trois éclairs au chocolat plus un pain au chocolat double barre. Cela inclut la copie de l'œuvre, le préjudice subie, la provocation et l'achat des éclairs et du pain au chocolat.
- Provocation ?
- Oui, monsieur le Juge, ce monsieur a eu l'outrecuidance de venir narguer l'actuel heureux propriétaire de l'œuvre dont je tairais le nom par confidentialité. Il a été vu et photographié durant de nombreux jours devant le 23 de l'avenue Kleber Paris 16ème.
- Monsieur le Juge, j'ai mis dans mon dossier une lettre de mon employeur attestant qu'il avait été mandaté pour un chantier dans cet immeuble et que je m'y trouvais pour assurer la sécurisation des accès. Comprenez l'indignité que j'ai vécue : en pleine journée, devant tous mes collègues et le public, un avocat, un huissier de justice et un car de police au grand complet sont venus m'embarquer comme un vulgaire malfrat. Qui va me payer mes journées de non-travail ?
- Monsieur le Juge, en tant qu'avocat de l'artiste, je réfute cette argumentation. Vous devez prendre en compte les infortunes de l'artiste et du possesseur de l'œuvre. J'ai ici des témoignages écrits (courrier, mails…) qui montrent que mes clients sont dénigrés : pensez que le propriétaire de l'œuvre a investi trois millions d'euros pour s'entendre dire qu'il a volé un vulgaire cône de chantier. Comment soutenir la création artistique ? Comment encourager les mécènes et la culture dans ces conditions ?
- Messieurs, en tant que Juge, je n'ai pas à m'occuper du marché de l'Art, mais simplement de constater s'il y a préjudice ou non. Monsieur le cône, avez-vous des explications à me donner ?
- Monsieur le Juge, j'ai d'abord travaillé trois ans dans une entreprise de travaux routiers. Après avoir été plusieurs fois accidenté à cause de voitures un peu trop impétueuses, j'ai décidé de changer d'employeur. J'ai été travaillé dans le bâtiment, dans une entreprise de peinture où je sécurisais les échafaudages. Quand vous passez vos journées le long de ceux-ci, il faut s'attendre à recevoir des projections de peinture. J'ai eu beau demander un ciré de protection, cela m'a été refusé. Tout ce que mon employeur a fait a été de me muter dans sa filiale de ravalement où je travaille actuellement. C'est comme cela que je suis arrivé avenue Kleber. Je demande ma relaxe, le paiement des jours non-travaillés et une boite de macarons à titre de réparation des préjudices.
- Très bien. Je vous remercie. Le jugement est mis en délibéré et sera rendu sous huitaine.

Au moment où nous publions cet article, le cône a été relaxé, mais interdit de chantiers en Ile de France. Il n'a pas souhaité faire appel du jugement, ayant entretemps été embauché par la galerie "œuvres du hasard" du Musée d'Art Moderne de New York

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