vendredi 12 décembre 2008

Tant qu'il y aura des hommes


Tant qu'il y aura des hommes, il y aura besoin de se nourrir, de se vêtir, de voyager, de consommer. Tant qu'il y aura des hommes, il y aura une manière de consommer qui ne sera pas forcément écologique ou biodégradable. Alors ils jetteront leurs épluchures, déchets, emballages partout où ils seront. Bien sûr, il peut y avoir des poubelles, des tris sélectifs, des incitations à la propreté, à la bonne éducation, au civisme, au respect des autres…mais tous n'y seront pas sensibles. Certains feront tout de travers par mépris, d'autres par distraction, d'autres par indifférence, d'autres par vengeance…qu'importe, le résultat sera le même : il y aura des détritus un peu partout, dans la rue, dans les cages d'escaliers, dans les monuments, dans les lieux publics, dans les aéroports, dans les voitures,… bref, partout où vous êtes chez vous sans que cela vous appartienne en propre.

Cela arrive même dans les gares. Prenez une belle et grande gare. Pour rassurer le public et être plus disponible, l'agent a fait place à de belles machines automatiques : voulez-vous un billet ? L'automate est là, toujours souriant et accueillant ! Voulez-vous boire ? Des distributeurs de boissons vous tendent les bras ! Voulez-vous un renseignement ? Des panneaux immenses vous informent ! Vous cherchez votre wagon ? Un panneau lumineux vous indique où stationner sur le quai au centimètre près ! Et puis si après cela, vous êtes encore perdu, les autres voyageurs soudés par le destin de leur rencontre fortuite se feront un plaisir de vous guider, épauler, conseiller, orienter, accompagner…

Pourtant, au travers de cet univers automatique, les déchets continuent leur rôle de lien social. Je dirai même favorise l'élévation des hommes. Voulez-vous un témoignage ? Vous voici un matin de décembre dans une grande gare de province attendant votre train. Vous avez apprécié la courtoisie du distributeur automatique de billet, été charmé par les informations du panneau lumineux, ri jaune au composteur de billet, remercié le gentil indicateur d'emplacement des wagons qui vous a assigné une place sur le quai. Bref, la vie humaine chaleureuse et réconfortante comme vous l'aimez. Vous voilà maintenant attendant votre train où vous trouverez le même accueil : une place réservée indiqué par un numéro lumineux (nous sommes loin des petits billets disposés un par un dans le wagon), des annonces par haut parleur…

Soudain, comme venu d'un autre temps, deux personnes traversent votre champ de vision : un homme avec un gilet jaune muni d'une longue pince marche tranquillement sur les voies et ramasse avec sa longue canne les mille et un déchets de notre civilisation de la consommation : papiers, mégots, cannettes… A côté, mais lui sur le quai, son compère avec une veste qui a du être blanche, un drapeau rouge à la main et un cor sur le dos, l'accompagne, le surveille, le protège. Ces deux hommes remontent tranquillement la voie. Ils saluent au passage des collègues qui se hâtent fébrilement vers quelques destinations, s'excusent auprès de futurs usagers du train à venir de devoir leur demander de s'éloigner de vingt centimètres de leur point de rassemblement et continuent leur petit bonhomme de chemin.

Dans une époque où tout s'automatise, ils sont la présence rassurante que tout ne peut être automatisé. Grâce au déchet de notre consommation, nous donnons du travail aux uns et du lien aux autres. C'est promis, demain je jetterai mes déchets à même le trottoir. Je contribuerai ainsi au travail de mes congénères et à permettre au lent déplacement du balayeur dans l'espace de nous montrer la voie du travail à vitesse humaine.

Aucun commentaire: