vendredi 14 novembre 2014

Conte berbère : les deux frères, la marmite et le baton


Il était une fois deux frères : l'un était pauvre, l'autre avait du bien.
Le premier avait quatre filles ; le riche était sans enfant.
Le pauvre, pour pouvoir nourrir sa famille, coupait du bois qu'il vendait à la ville. Un jour, c'était jour de fête ; il n'avait chez lui rien à manger. Il partit couper du bois.

Un jujubier sauvage lui dit : « Que me veux-tu aujourd'hui ?
— J'ai faim, dit le bûcheron ; donne-moi de quoi manger, sinon je te coupe.
— Prends cette marmite, répondit le jujubier, et garde-la ; elle te nourrira jusqu'à ta mort. Quand tu voudras quelque chose, dis-le-lui ; elle te le donnera. »
Le bûcheron emporta la marmite chez lui, la tourna par terre et lui dit : « Donne-moi du bien.
— Voilà », dit-elle, en faisant apparaître un tas de pièces d'or.
Le pauvre, qui l'était moins maintenant, en profita pour acheter des habits à ses enfants. Mais une de ses filles, en visite chez son oncle, raconta l'incroyable histoire.
Le frère se rendit chez le bûcheron : « Donne-moi la marmite que tu possèdes.
— Je ne te la donnerai pas, car c'est elle qui fait vivre mes enfants.
— Si tu ne me la donnes pas, je te tue. »
Le bûcheron eut peur. Il donna la marmite à son frère et se mit à pleurer. « Demeurez en paix, dit-il à ses enfants ; puisque je ne peux subvenir à vos besoins, je m'en vais errer dans le pays. »

Le pauvre homme partit, resta absent pendant trois mois sans revenir à la ville. Lorsque le jour de fête arriva de nouveau, il se rendit à l'endroit où se trouvait le jujubier sauvage qu'il frappa de sa hache tranchante.
Une femme en sortit, le salua et dit : « Pourquoi n'es-tu pas rassasié ?
— La marmite que tu m'as donnée m'a été prise par mon frère ; je n'ai pas pu l'en empêcher.
— Attends-moi ici », dit-elle. Puis elle rentra dans l'arbre et apporta un grand bâton.
« Quand tu seras près de la ville, tu t'arrêteras jusqu'à ce que les gens soient dans la mosquée ; alors lâche ton bâton et dis-lui : "Prends mon droit à ceux qui m'ont lésé." »
Le bûcheron prit le bâton et se rendit à la porte de la mosquée.


Lorsque les gens sortirent de la prière, le bâton lui échappa et frappa tous les assistants sans exception. Chacun s'en retourna à la mosquée et les chefs dirent : « L'injustice est descendue dans la ville. Dieu pèse sur nous ; que celui qui a été lésé se présente ; nous lui rendrons son dû.
— Le propriétaire du bâton est à la porte de la mosquée et pleure, dit quelqu'un.
— Entre, lui dit-on ; indique-nous celui qui t'a pris ton bien.
— C'est mon frère qui m'a enlevé de force ma marmite.
— Demande ce que tu veux.
— Rendez-moi ma marmite et partagez la fortune de mon frère entre lui et moi, car j'ai des enfants et il n'en a pas. »

On lui donna ce qu'il voulait, et l'on invoqua Dieu qui envoya une forte pluie parce que la justice avait triomphé.

Source : Collectif, Contes Berbères, ill. Delphine Bodet, rue des enfants

Aucun commentaire: