samedi 4 avril 2009

Le lavoir déchu revit


Ah qu’il est loin le temps où les lavandières venaient par (presque) tous les temps me tenir compagnie. Il y avait Germaine, la lavandière en chef qui gérait son petit monde et répartissait les places autour du lavoir. Il fallait faire attention à ne pas la froisser où vous vous retrouviez à l’autre bout près de la sortie des eaux sales. Il y avait Augustine qui revenait tous les jours laver le même linge juste pour faire la causette. Il y avait Antoinette qui perdait régulièrement son savon et faisait rire tout le monde en racontant que c’était la première fois. Il y avait Georgette, Marie, Andrée, Catherine… Bien sûr, au fil des années, j’en ai vu des Germaine, Augustine ou Marie qui se sont succédées. Ce fut longtemps un petit ilot paisible au pied de la forêt. La rude montée depuis le centre ville en dissuadait plus d’une de venir ici.

Maintenant, il faut s'adapter à la vie moderne. Chacun lave son linge sale en famille. Alors, pour attirer un peu de monde, je me fais belle et attirante. Heureusement, mon bois de châtaignier dissuade les araignées. J'attire ainsi les touristes, les amoureux, les chercheurs d'ombre et les touristes-amoureux-chercheurs d'ombre. C'est quoi d'ailleurs, votre vie moderne ? Pour moi, c'est simple, c'est courir. Comme d'un point à un autre. Les promeneurs passent 20 secondes devant moi, prennent une photo et repartent au pas de charge aussitôt parce qu'ils ont encore le tombeau du Maréchal à visiter, l'aqueduc, le parc du château qui n'existe plus, le…, la…

Vous me direz que les amoureux ont plus de temps. Pas du tout. Autrefois, ils s'arrêtaient, parlaient, s'embrassaient, se taisaient…Maintenant…ils téléphonent ou se font téléphoner ou écrivent des messages. Ils ne restent pas tranquilles plus de trois minutes (j'ai compté !). Ma voûte résonne du bruit des sonneries. On dirait qu'ils ne savent pas les arrêter. A ce rythme là, en été j'ai peu d'heures de calme et je rêve à l'hiver.

Remarquez en hiver, je m'ennuie, alors je fais de la poésie. Voulez-vous y goûter ?

Ami, viens à l'ombre
Ma tonnelle est fraîche
Tu rêveras l'été à ta guise

Lavandières d'hier
Parties depuis des hivers
Cet été relaveront

Un lavoir vit neuf mois
Et dort en hiver.
A chacun son rythme

Frottez mes pavés
Que les lavandières reviennent
Faire la pluie et le beau temps


et vous, quand venez-vous me voir ?

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