mardi 22 janvier 2008

Un jour, je serai (peut-être) grand



Au Maroc, le taxi est une institution. Il y a le petit taxi, le taxi pour les grandes distances, le taxi collectif... Malgré le développement de la vente des voitures et des deux roues, le taxi reste le moyen le plus économique pour se déplacer...

Je suis taxi, ou plus exactement un "petit taxi". C'est d'ailleurs écrit sur le porte-bagage sur le toit. Pourquoi "petit taxi" ? Parce qu'il y a des grands taxis ! Oh, bien sûr, ils ne s'appellent pas "grand taxi", mais tout simplement "taxi". Eux, ce sont de grandes voitures Mercedes blanches. Et moi, je suis tout rouge (ici, dans cette ville, parce que dans d'autres villes je suis bleu…). Ces "taxis" font de la route et desservent l'aéroport. A eux, l'espace et les grands voyages. A moi, la ville et la proche banlieue. On se regarde, on s'épie, on s'envie mutuellement.

Je ne me plains pas. Pourtant, quand je suis dans les embouteillages, je les envie parfois. Je rêve de m'élancer et de faire tourner à bon régime mon moteur au lieu de piétiner et de m'étouffer. J'aime bien mon métier. Je fais cela depuis longtemps, pratiquement en permanence. En fait votre vie dépend de votre chauffeur. J'en ai plusieurs avec chacun leur caractère. Il y a celui qui conduit doucement et me bichonne en me nettoyant à chaque arrêt. C'est à la fois agréable et en même temps, je m'endors presque avec lui. Il y a celui qui transpose sur moi ses problèmes familiaux et de fin de mois. Il n'y a qu'à voir comment il me fait démarrer le matin pour savoir comment s'est passé la soirée (ou la nuit) et s'il est de bonne humeur ou non. Cela varie aussi dans la journée. Celle-ci peut bien commencer, puis à la suite d'un appel téléphonique, il devient fou et j'en prends pour mon grade : mon moteur hurle, mes freins crissent, ma carrosserie tremble…

Remarquez, il n'y a pas que moi qui en subit les conséquences. Mes passagers du moment aussi. Ils sont d'ailleurs souvent les premiers à me défendre. C'est de leur sécurité qu'il s'agit ! Je pourrai faire un roman sur ces passagers. Il y a ceux qui sont familiers et montent à côté du chauffeur, ceux qui s'installent, je devrais dire "se vautrent" à l'arrière. Il y a ceux qui me respectent et ceux qui mangent et boivent à l'intérieur (merci pour mes sièges). Les pires sont ceux qui fument. Quelle odeur après ! Il y a ceux qui se taisent, ceux qui parlent tout seul (ou avec le chauffeur), ceux qui se disputent avec quelqu'un qui les accompagne (ou au téléphone). Il y a ceux qui montent en chemin, font connaissance avec les autres passagers et redescendent un peu plus loin. Il y a ceux qui montent les mains vides et ceux qui arrivent avec des couffins, des objets encombrants, voire des animaux (je déteste les poulets, vivants ou morts !) Un véritable kaléidoscope social !

Pendant ce temps, je parcours la ville, ses grandes avenues, ses ruelles. Mon moment préféré ? Le port et le bord de mer. Ma zone détestée ? L'autoroute qui traverse la ville. Je suis bousculé par les camions, les 4x4 et autres fous du volant. J'en ai pris mon parti comme de celui qu'un jour je devrai prendre ma retraite. Je les entends en parler. Quand je dis "les", c'est parce qu'en fait j'ai plusieurs patrons. D'abord, il y a mon (ou mes) conducteur(s). Parfois j'en ai un seul, parfois deux ou trois qui se relaient. Il y en a un qui a acheté la voiture et un autre des fois qui possède la licence. Etonnez-vous après que je roule en permanence. Il faut bien nourrir tout le monde. Bon, ce n'est pas tout, il faut que j'y aille ! Direction "hôtel Riad Salam" ? C'est parti ! A l'arrivée. N'oubliez pas le chauffeur…et sa voiture ! A bientôt !

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