mercredi 14 mai 2008

Joe Black 2 Amiens 0


La semaine a été pénible. Aller deux fois au cimetière (ou plutôt dans 2 cimetières) en une semaine, c'est rude. Deux fois pour des amis ou des parents d'amis. Deux fois pour des personnes connues à Amiens. Bref, Joe Black a fait un tir groupé. Pourtant, c'est un beau temps pour aller au cimetière. Il fait beau, les plantes et les arbres rutilent. Bref, presque une promenade à la campagne.

Amiens, c'est un peu mon "bienvenue chez les cht'ies". On y pleure en arrivant, on y pleure en partant. Le premier enterrement, c'est un ami de 25 ans (je fais attention aux amis de 30 ans). Il habitait à Amiens dans une étonnante maison au pied de la cathédrale (elle était intégrée dans la cathédrale sur un des cotés). Il circulait entre Amiens et Paris par le train. C'est lui qui m'a présenté dans le train une bande de joyeux lurons qui faisaient la navette tous les jours : deux inspecteurs des impôts, un représentant en lingerie qui triait sa collection dans le corail du matin, un commissaire de police, …

Le deuxième enterrement, c'est la mère d'un ami d'Amiens. Le premier souvenir qui me reste : prendre l'apéro sur son balcon en écoutant le barrissement des éléphants. Il habitait alors en face du zoo. Un beau zoo, le zoo d'Amiens caché dans la verdure.

C'est aussi le partage de nos joies (les fêtes, les communions, les soirées au frais) avec tous. Ils ont quitté Amiens comme nous et nous nous sommes tous revu sur Paris.

Bref, dans un enterrement vous revoyez des gens connus dans les années 80. On se dit intérieurement "il / elle a vieilli" et quelque part vous prenez conscience que vous aussi vous avez enfoui avec le temps un peu plus profondément vos souvenirs. Je dis bien enfoui, parce qu'ils ne disparaissent pas. On dit même que les gens atteints d'Alzheimer se rappellent toujours de ceux-là, ces vieux vieux souvenirs.

Et après ? Les cimetières sont-ils pour les morts ? Ou pour permettre aux vivants de les honorer ? Un voyage au Vietnam m'a fait réfléchir à la question. Chaque logement, chaque masure, chaque maison a son autel des morts à l'endroit le mieux placé de la maison. On y honore les ancêtres jusqu'à la troisième génération en y brûlant de l'encens tous les soirs. Cette intimité avec les défunts va loin. Dans la baie du Mékong, les tombes sont dans les jardins. A Saigon, les terrains où il y a des morts enterrées valent plus cher que les autres.

Alors, faut-il vivre et honorer les morts une fois par an ou vivre au quotidien avec eux ? En fait, je cois que c'est eux qui vivent avec nous. Ils sont présents dans notre mémoire, dans nos souvenirs, dans nos joies. Ils ont déposé du bon (et parfois du mauvais) en nous et ils le cultivent. C'est cela à quoi servent les souvenirs, à faire vivre le passé, à se donner une bonne raison de qui nous sommes, ce que nous avons fait et ce qui en a résulté.

Les morts, parfois, c'est ce qui justifie notre envie de vivre, pour eux, pour continuer leur chemin, pour les nôtres, pour nous.

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