jeudi 1 mai 2008

Un secoue-vie


Non vous ne louchez pas, non ne vous frottez pas les yeux inutilement, non vous n'avez pas trop bu (du moins à ma connaissance), non vous n'êtes pas dans le parc de loisirs américain à l'est de Paris, ni dans le français irréductible de la banlieue nord. D'ailleurs regardez la voiture à mes pieds. Elle vous semble normale ou non ? Normale ? Alors, vous voyez, tout va bien. Vous êtes à Paris, dans une rue très passante. Vous ne m'avez pas vu ? Patience, le temps viendra le jour où vous aurez besoin de moi.

Besoin de moi ? Pourquoi ? A question stupide, réponse standard. Tant qu'on n'a pas de besoin, on ne voit pas l'intérêt de ce que l'on a autour de soi. Prenez un verre d'eau. A Paris qui se soucie d'un verre d'eau. Vous avez soif ? Vous entrez dans un café ou achetez une bouteille dans une épicerie. Maintenant transplantez-vous dans un désert. Là vous chercherez de l'ombre et… un verre d'eau. Comme je vous le disais, un jour vous aurez besoin de moi et là vous me verrez. Vous direz, comme tous les autres, "j'ai de la chance, vous venez d'ouvrir". Pauvres crétins ! J'existe depuis des années.

Je sers à quoi ? A rien pour vous ! Quoique, si vous vous êtes arrêté devant moi et que lisez ce texte, vous êtes sur la bonne pente; Une bonne pente savonneuse qui vous conduira je ne sais où…sauf si je suis pour là pour vous arrêter (Ce n'est pas pour rien que je suis dans une rue en pente.) J'aide à rétablir l'équilibre ? Bravo, vous commencez à être sur la piste.

Un peu d'histoire. Mon bâtisseur est parti un jour en Angleterre. A Winchester, il descendit dans une petite auberge, le type d'hôtel construit dans les vieilles maisons qui tient compte des mouvements séculaires du bâtiment. Le matin, il était dans un autre monde. Je veux dire qu'il avait la sensation d'être dans un autre monde. Il était paniqué, ahuri, hébété et puis… il réalisa en fait qu'il était au milieu de la chambre. Son lit, situé sur un plancher penché avait doucement bougé jusqu'au milieu de la pièce. Quand vous vous réveillez alors, vous avez perdu vos repères : la manière d'allumer la lumière, votre montre sur la table de nuit, …

Cette expérience le fit réfléchir, puis il passa à l'œuvre et fit des essais. Je suis son résultat le plus réussi. Alors, qu'est-ce que je suis ? Bravo, vous avez compris ! Vous êtes futé. Je suis un redresseur d'idées, une bouffée d'espoir, un tour de passe-passe magique. Vous avez le spleen, mal partout, le sentiment que tout va de travers et que rien ne pourra vous empêcher de tomber dans la mouise et la déprime. Alors, venez vite dans mes locaux. Un jour et une nuit à vivre dans mon immeuble tout confort et vous ne verrez plus après de la même façon.

Quand vous aurez vécu ainsi avec un sentiment de mal de mer, d'absence de repère, d'objets qui vous échappent ou se rapprochent dangereusement de vous, vous serez heureux de retrouver la terre ferme de la rue. Après cela, vous repartirez plein d'énergie retrouvée. C'est comme toucher le fond de quelque chose, après on sait qu'on ne peut que remonter. Donc tout va bien.

Un dernier conseil : parlez-en à votre psychiatre. Il vous fera une ordonnance : je suis remboursée par la Sécurité Sociale et les mutuelles; après de longues hésitations, elles ont finalement conclu que je coûtais moins cher qu'un traitement allopathique.

Alors, nous prenons rendez-vous ?

Aucun commentaire: